Colette, la Bourgogne et le vin

Née en Bourgogne et décédée rue de Beaujolais à Paris, Colette aura toute sa vie été une redoutable ambassadrice du vin. La légende veut qu’elle ait été initiée à 3 ans par son père avec un Muscat de Frontignan. Enfant, sa mère Sido lui fait gouter les grands vins qui peuplent la cave de la maison de Saint Sauveur en Puisaye. Épicurienne et nostalgique de sa Bourgogne natale, Colette entretiendra tout au long de son existence une relation étroite avec le vin et sa maison d’enfant. Consommatrice, ambassadrice, et même viticultrice, c’est surtout au fil de ses écrits qu’elle promeut tout au long de sa vie sa passion pour la vigne et le vin.

«La vigne, le vin, sont de grands mystères. Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre. Elle ressent, exprime par la grappe les secrets du sol.» Mélanges, Colette, éditions de Crémille, 1971.

Son premier mari Willy lui achète en 1900 une maison en Franche Comté. C’est l’époque où elle rédige la série de Claudine, plus grand succès éditorial de la Belle Époque. Elle découvre les vins du Jura avec une passion particulière pour le vin de paille, un vin qu’elle qualifie de «traître comme tous les grands séducteurs».

 

Colette vigneronne : la Treille Muscate

En 1925, divorcée et libre, elle achète une propriété près de Saint Tropez. Deux hectares de vignes, de forêts et de vergers qu’elle baptise «La treille muscate». Elle se prêtera personnellement aux diverses taches de la vigne, de la taille aux vendanges. La propriété produit 20hL de vin rouge, quelques bonbonnes de rosé et de blanc pour les amis de passage mais aussi du ratafia et des raisins confits à l’eau de vie. Une activité qui lui plait et qu’elle pratiquera jusqu’à la vente de la maison en 1938.

Elle écrira : “Nous descendons dans le souterrain royaume. Une très légère buée bleue – on a soufré les tonneaux- épaissit l’air, sous les voûtes étoilées d’ampoules électriques. A perte de vue et pareilles aux perspectives sans issue qu’inventent les songes, les parois sont de barriques, de barriques et encore de barriques.(…) Au profond de la terre, dans la cave aux bouteilles, reposent les fruits de tant de soins : flacons jeunes, lisses, fioles millésimées ; aînées chenues, habillées lentement d’une fourrure impalpable, grise et blanche comme le duvet qui frémit sur le corps des bombyx nocturnes…(…) C’est plaisir que s’instruire sous ces voûtes où la voix s’assourdit, où les pas crissent à peine sur un gravier trié” (texte publié dans le recueil Prisons et paradis en 1938).

Colette ambassadrice

Elle fait la promotion du vin Mariani, une boisson développée à partir de 1863 par un pharmacien, Angelo Mariani. Cette boisson à base de vin de bordeaux et d’extraits de coca du Pérou était célébrée pour ses vertus dynamisantes. Le Coca Mariani (qui inspirera ensuite le Coca Cola) contenait en fait 7mg de cocaïne pure par bouteilles et fut donc interdite en 1910 car considérée comme une drogue. Mais nombre de célébrités de l’époque en firent la promotion, dont immanquablement Colette.

En 1929, elle est sollicitée pour rédiger une plaquette publicitaire pour la maison Chauvenet à Nuits Saint Georges. Un genre de publi-reportage agrémenté de photos qui paraitra dans la presse et lui attirera les foudres des Bourguignons. La maison Chauvenet réalisait des assemblages de cuvées de vins de tous horizons et voulait créer un vin de marque. Une hérésie dans une région viticole où les terroirs sont depuis toujours érigés en valeur supérieure. La réaction hostile des viticulteurs sera relayée par Gaston Roupnel, professeur à Dijon, et aboutira en 1930 à la délimitation de la Bourgogne viticole et à la création des appellations, encore en vigueur aujourd’hui.

 

On connaît à Colette une relation amicale et épistolaire suivie avec Lucien Brocard, négociant en vins et spiritueux parisien situé à Bercy qui approvisionne l’écrivain en vin, notamment pendant la guerre, période de rationnement où Colette peine à trouver du vin. A cette époque sa santé se dégrade et elle loue les qualités fortifiantes du vin. En 1943 elle écrit à son ami pour demander une fois encore s’il peut lui fournir quelques bouteilles en ces termes : « Savez vous ce qu’on m’ordonne comme tonique, parmi les quinines, quinoxyléine, quincardine? Du vin sucré encore et toujours ! Nous sommes bien dénués du «tonique» sucré ou non et me voilà encore pendue à vous». Il accède à sa requête et elle le remercie ainsi : «Si vous voyiez comme j’ai meilleure mine ce soir … Un vin rouge charmant, juste comme j’aime ! Et pour finir, un morceau de sucre au fond du verre, – ordonnance du médecin. Merci de m’avoir encore une fois dépannée et soignée». On apprend notamment dans cette correspondance qu’il lui fera parvenir en 1943 pour son anniversaire une bouteille de Chambertin 1933 qu’elle appréciera tout particulièrement.

Elle se fournit en vin sous forme de bouteilles, mais aussi parfois sous forme de fûts. Il faut donc le mettre soi même en bouteille avant de le déguster.

Pour ses 75 ans en 1948, elle reçoit une bouteille de Mouton Rotschild de 1873 (son année de naissance). Elle célèbre en ces termes cette fameuse bouteille : « Ma foi, comme à moi, il lui restait quelque feu, une couleur atténuée, une bonne odeur de violettes, et le vin de Mouton qu’elle m’apportait reposait doucement sur sa lie, d’où nous l’éveillâmes pleins de gratitude et de précaution.»

La maison natale de Colette

C’est l’endroit où elle a vécu jusqu’à ses 18 ans et qui restera pour toujours associé à son enfance, aux souvenirs heureux et à la personnalité de sa mère, Sido. Il faut visiter cette maison pour se rendre compte de l’atmosphère bourgeoise, baignée de culture et de fantaisie dans laquelle la petite Colette a vécu. Elle gardera d’ailleurs toute sa vie son accent bourguignon …

N’hésitez pas à vous y rendre été comme hiver, cette maison admirablement vivante est ouverte toute l’année au public. Un travail rigoureux de reconstitution des décors de l’enfance de l’écrivain a été effectué, tant au niveau des papiers peints que des objets et même jusqu’à la lumière qui reproduit l’éclairage du XIXe siècle. Le bureau de son père qui se rêvait écrivain, la salle à manger où le couvert est dressé, la cuisine ouverte sur le jardin, chaque pièce regorge d’anecdotes qui auront servi plus tard de matériel littéraire à Colette. Seul petit bémol, la fameuse cave du premier mari de Sido qui servit à l’initiation de la petite Colette ne se visite pas !

Pour aller plus loin :

Vous pouvez vous rendre à la maison natale de Colette à Saint Sauveur en Puisaye, ouverte au public toute l’année. Voir sur le site internet de la maison de Colette . La visite est guidée et comprend également une visite des jardins.

 

Conseils bibliographiques :

Enfin à noter qu’un film vient de sortir sur Colette. Il retrace essentiellement les premières années de sa vie avec Willy et son émancipation progressive comme femme et comme écrivain. Il ne traite pas exactement de son lien avec la Bourgogne ou le vin …

Une réflexion sur “Colette, la Bourgogne et le vin

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